Une taxe discrète. Un impact massif.
Depuis le 1er janvier 2025, une nouvelle mesure de fiscalité environnementale est entrée en vigueur et bouscule les pratiques des entreprises disposant d’un parc automobile conséquent.
Son nom ? La Taxe incitative à l’acquisition de véhicules verts. Derrière ce libellé technique se cache une pression incitative à la fois financière et écologique : si votre flotte de véhicules ne verdit pas assez vite, l’État vous fera payer une pénalité par véhicule manquant.
Cette taxe annuelle incitative s’appuie sur un mode de calcul clair et une logique simple : plus votre flotte automobile s’éloigne des objectifs définis par la loi de finances, plus la facture grimpe. Le calcul du tarif prend directement en compte l’écart entre votre intégration de véhicules à faibles émissions (VFE) et le pourcentage cible fixé par les textes. Il intègre également un taux annuel de renouvellement du parc.
Objectif : accélérer la transition énergétique, réduire l’empreinte carbone, et rééquilibrer l’usage des véhicules thermiques dans les entreprises vers des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, moins émetteurs de dioxyde de carbone.
Alors que la réglementation évolue et que les entreprises doivent composer avec de nouveaux impératifs, comprendre le fonctionnement de cette taxe, son montant, son impact sur les entreprises et les solutions pour éviter de la payer devient une priorité stratégique.
Pourquoi la Taxe incitative à l’acquisition de véhicules verts a-t-elle été créée ?
Tout part d’un constat environnemental. La France, comme les autres États membres de l’Union européenne, s’est engagée à réduire l’empreinte carbone des activités économiques. Or, le transport routier représente encore une part importante des émissions, en particulier à travers les flottes d’entreprises.
L’intention du gouvernement est claire : utiliser la fiscalité comme levier de transformation pour forcer les entreprises à intégrer davantage de véhicules à faible émission dans leurs parcs automobiles.
Inspirée des objectifs de la loi LOM et de la loi Climat & Résilience, la Taxe incitative à l’acquisition de véhicules verts vient renforcer la politique environnementale française. Elle introduit un mécanisme de pénalités basé sur des quotas d’intégration progressive. En clair, si une entreprise ne respecte pas la part minimale de véhicules propres dans sa flotte, elle paiera une pénalité financière.
Une fiscalité qui s’inscrit dans un cadre européen plus large
Il ne faut pas voir cette taxe comme une exception française. Elle s’inscrit dans une dynamique européenne plus globale. Le Green Deal et le Pacte Vert pour l’Europe fixent des objectifs ambitieux de neutralité carbone d’ici 2050.
Dans ce contexte, chaque État membre est encouragé à mettre en place des dispositifs fiscaux incitatifs. La France a opté pour cette taxe annuelle en complément d’autres leviers (malus CO₂, bonus-malus écologique, taxe sur la masse en ordre de marche).
Le but est clair : accélérer la transition vers une mobilité plus sobre, plus propre, plus responsable. Et les flottes d’entreprise, qui représentent une part significative des immatriculations, sont en première ligne.
L’impact sur les entreprises est donc à analyser aussi en fonction de l’évolution du marché européen. De plus en plus d’appels d’offres publics et privés intègrent des critères de verdissement, de faible émission ou de gestion responsable des mobilités. La non-conformité peut coûter en opportunités commerciales, pas seulement en euros.
Quelles entreprises sont concernées ?
La taxe cible toutes les entreprises qui possèdent une flotte de 100 véhicules légers ou plus au 1er janvier de l’année fiscale. Peu importe que ces véhicules soient loués, acquis en location longue durée, achetés ou affectés à un service interne. Elle inclut les véhicules de tourisme (catégorie M1) et les utilitaires légers (catégorie N1), immatriculés en France et inscrits sur une carte grise à usage professionnel.
Les véhicules électriques, hybrides rechargeables (sous condition d’émettre < 50g de CO₂ par kilomètre), ou fonctionnant à l’hydrogène sont considérés comme à faibles émissions. Leurs caractéristiques techniques (notamment la masse en ordre de marche) doivent correspondre aux critères du Code général des impôts.
Sont exemptés : les véhicules immobilisés, en réparation longue, ou affectés à un usage civil spécifique (ambulances, auto-écoles, etc.).
Une échéance à anticiper : 1er mars 2025
Il est important de noter que la première déclaration et le paiement de la taxe pour l’année 2025 devront intervenir avant le 1er mars 2026, selon les modalités prévues par l’article 55 de la loi de finances pour 2024.
La période d’analyse court du 1er janvier au 31 décembre 2025, ce qui signifie qu’il reste quelques mois aux entreprises pour agir sur l’affectation des véhicules, renouveler une partie du parc, ou intégrer temporairement des modèles à faible émission.
Par ailleurs, le gouvernement a annoncé une campagne de sensibilisation, avec une communication spécifiquement ciblée sur les entreprises les plus concernées (grandes flottes, groupes multisites, entreprises de transport, etc.).
Comment est calculée la taxe incitative ?
Le mode de calcul repose sur trois éléments :
- Le nombre de véhicules manquants (par rapport à l’objectif fixé)
- Le taux de renouvellement annuel du parc
- Le tarif unitaire applicable par véhicule selon l’année
🎯 Objectifs et tarifs (année par année)
Exemple concret : impact sur une flotte de 150 véhicules thermiques
Prenons une entreprise avec 150 véhicules, dont 10 véhicules électriques ou hybrides rechargeables.
Objectif 2025 : 20 % de VFE → 30 véhicules attendus
Réalité : 10 → 20 véhicules manquants
Taux de renouvellement estimé : 40 % (taux moyen observé dans les grandes entreprises)
Nombre de véhicules concernés par la taxe : 20 × 40 % = 8 véhicules
Montant de la taxe 2025 : 8 × 2 000 € = 16 000 €
Si l’entreprise ne renouvelle rien :
- 2025 : 20 × 2 000 € = 40 000 €
- 2026 : 20 × 4 000 € = 80 000 €
- 2027 : 20 × 5 000 € = 100 000 €
💡 Total sur 3 ans en cas d’inaction : 220 000 €
Une somme qui augmente année après année si l’on ne commence pas à verdir progressivement sa flotte.
Quel lien avec la loi LOM et la loi Climat & Résilience ?
Les grandes lois environnementales introduisent directement les quotas de verdissement des flottes auxquels se rattache la taxe annuelle incitative.
- La Loi LOM (2019) a introduit un quota de renouvellement de VFE : 10 % en 2022, 20 % en 2024, 40 % en 2027, et jusqu’à 70 % à l’horizon 2030.
- La Loi Climat & Résilience (2021) a consolidé ces objectifs dans le Code de l’environnement, article L.224-10, et ouvert la voie à une sanction financière pour les entreprises qui ne respectent pas ces seuils.
Avec la taxe incitative, le passage de l’obligation morale à la contrainte économique est acté.
Comment anticiper ou neutraliser la taxe incitative à l’acquisition de véhicules verts ?
La taxe annuelle incitative n’est pas inéluctable. Elle ne s’applique que sur les écarts constatés. Il existe donc plusieurs leviers d’optimisation :
- Planifier le renouvellement des véhicules légers thermiques : intégrer chaque année un certain nombre de VFE dans le cours normal des achats.
- Affecter temporairement des voitures électriques à la flotte : même loué à courte durée, un VFE utilisé plus de 30 jours peut compter dans la base de calcul.
- Identifier les véhicules à forte émission et les prioriser pour le remplacement.
- Suivre précisément le taux d’intégration à la flotte, pour ne pas dépasser le seuil fiscal.
- Mettre en place une politique de mobilité durable claire, structurée, et alignée avec la réglementation européenne.
Quelles aides pour accompagner la transition ?
Pour réduire l’impact financier ou faciliter l’acquisition de véhicules légers à faibles émissions, plusieurs dispositifs d’aide sont disponibles :
- Le bonus écologique, y compris pour les véhicules de tourisme affectés à une activité professionnelle.
- Le programme Advenir, qui finance l’installation de bornes de recharge.
- Le suramortissement fiscal, qui permet un amortissement accéléré des véhicules propres.
- Des aides régionales et locales (notamment pour les PME).
- Des facilités de financement locatif ou d’affectation progressive de véhicules.
Ce que ça change pour les gestionnaires de flotte
Un rôle stratégique pour le gestionnaire de flotte
Cette taxe redonne aussi un rôle stratégique au gestionnaire de flotte. En effet, il ne s’agit plus uniquement d’un métier d’optimisation opérationnelle. Désormais, le ou la gestionnaire devient non seulement acteur de la politique RSE, mais aussi pilote de la performance environnementale et interface entre les achats, les RH et la direction financière.
Il ou elle doit :
- maîtriser les indicateurs clés : intégration à la flotte, taux annuel de renouvellement, empreinte carbone du parc
- anticiper les changements réglementaires
- suivre les dispositifs d’aide en cours
- collaborer avec les loueurs, les constructeurs, les experts fiscaux
C’est une fonction qui évolue vers plus de data, plus de pilotage transversal, plus de valeur stratégique. Pour réussir à optimiser les budgets tout en répondant aux objectifs environnementaux, il faudra des outils de suivi, des tableaux de bord adaptés, et parfois un accompagnement externe.
Conclusion : obligation ou opportunité ?
La taxe incitative relative à l’acquisition de véhicules à faibles émissions est bien plus qu’un poste de coût.
Elle est un signal fort, qui transforme les politiques d’achat automobile en facteur de performance environnementale, mais aussi de maîtrise des coûts. Elle vient renforcer l’alignement entre fiscalité, climat, et performance économique.
Les entreprises les plus agiles, qui anticipent, optimisent, et s’appuient sur les solutions d’aide disponibles, pourront éviter les pénalités et construire une stratégie durable de gestion de leur flotte automobile.